LA ZAC DES « STUDIOS DE JOINVILLE »

 

 

Préambule :

On pourrait croire que ce dossier n’est plus d’actualité, alors que le programme d’aménagement est achevé et que l’attention se porte sur les « Hauts de Joinville », rue de Paris, face à la Mairie. Il n’en est rien, car le passé peut éclairer l’avenir. « N’ayez pas peur ! » serine-t-on aux Joinvillais, « rien n’est décidé, nous élaborons le projet avec vous ». Mais cela fait vingt-deux ans que la Municipalité conduite par Pierre Aubry est en place, et ses réalisations passées (ZAC des « Canadiens » et ZAC des « Studios de Joinville ») nous indiquent ce dont elle est capable. Comme dit le proverbe, « les chiens ne font pas des chats » !

 

Notre Association n’existait pas encore lorsque a été créée la Zone d’Aménagement Concertée « Les Studios de Joinville », à la fin de la première mandature de Pierre Aubry. Dès le début de la seconde mandature, en 1989, on lançait une procédure de modification, qui étendait le périmètre de la ZAC (notamment côté Polangis), et en modifiait substantiellement le programme. La justification essentielle, à en croire la Municipalité, était la création d’une mirifique « Cité du Cinéma et de l’Audiovisuel », censée renouer avec la prestigieuse tradition cinématographique de notre commune et apporter 500 emplois (1). Les 330 logements prévus, en majorité de standing (2), ne servaient prétendument qu’à assurer la rentabilité de l’ensemble de l’opération. De fait, une densité extrêmement élevée, correspondant à un C.O.S. de 2,88 sur l’ensemble de la ZAC, a permis à l’aménageur (3) de rétrocéder en mai 1990 à la commune le terrain d’assiette de la Cité du Cinéma (4) pour le franc symbolique. En juin 1990, une fête de lancement enthousiasmait les Joinvillais (5).

 

Dès sa naissance en 1988, Joinville-Ecologie s’est opposée à cette ZAC, dénonçant la mystification consistant à faire croire au retour du cinéma à Joinville pour mieux faire accepter un programme immobilier particulièrement dense pour le quartier pavillonnaire de Palissy, dont le C.O.S. était limité à 0,8 dans cette zone. Un rapport d’experts du cinéma, commandé par la Municipalité, préconisait un certain nombre de mesures pour donner à la Cité du Cinéma toutes les chances de succès : ces mesures n’ont pas été retenues par le projet municipal ! C’est pourquoi notre Association a fait campagne contre la ZAC étendue et modifiée, lors de l’enquête publique. En dépit d’une majorité d’opinions négatives, le commissaire enquêteur rendait un avis favorable, et le Conseil Municipal adoptait le programme définitif en mars 1991. Joinville-Ecologie a alors attaqué le programme (sauf la Cité du Cinéma) devant le Tribunal Administratif, qui le 30 juin 1994 lui a donné gain de cause (6). Le programme immobilier était alors achevé ... et la Cité du Cinéma n’avait toujours pas dépassé le stade de la première pierre !

 

Après sa réélection en 1995, Pierre Aubry a donc prétendu qu’il avait fait tout son possible, mais qu’il devait s’incliner face à la dure réalité, et, plutôt que de laisser une friche industrielle, se résigner à construire à la place de la Cité du Cinéma une seconde tranche de logements. Au Conseil Municipal, seuls les écologistes ont voté contre. Les surfaces mentionnées (7) correspondaient à 280 logements en plus, sur 6 étages (jusqu’à 8 en certains points). Les espaces verts (sur dalle) étaient réduits à la portion congrue ... Et on a osé parler de « dédensification » par rapport au programme initial !

 

L’intérêt public était absent de cette opération, conçue pour offrir à des intérêts privés l’occasion de confortables plus-values. Car le terrain d’assiette de la Cité du Cinéma n’appartenait alors plus à la Ville ! Il avait été cédé à la Cité du Cinéma et de l’Audiovisuel (C.C.A.), une Société Civile créée par la société Lumison, liée aux partis politiques de droite (8). Ceci pour un prix d’ami (7,8 millions de Francs TTC), ce qui était naturel pour encourager un projet industriel annonçant des investissements dépassant la centaine de millions de Francs. Il en serait allé différemment si on avait annoncé d’entrée de jeu une opération immobilière !

 

Un terrain ne vaut rien par lui-même, sa valeur découle de ce qu’on peut y construire. Notre Association a interrogé des architectes sur la valeur des droits à construire dans ce quartier résidentiel. Pour la seconde tranche, c’était de l’ordre de la centaine de millions de Francs ! Au prorata des surfaces qu’elle détenait, la société C.C.A., une simple boite postale avenue des Champs-Elysées (9), valait 66 millions de Francs dès l’approbation par le Conseil Municipal du nouveau Plan d’Aménagement de la ZAC, valable pour la seconde tranche !

 

Joinville-Ecologie a appelé les Joinvillais, lors de l’enquête publique, à refuser cette ZAC d’utilité privée. Nous avons même réalisé une maquette, et présenté un contre-projet consistant à ne construire, dans la seconde tranche, qu’un immeuble en façade de l’avenue Gallieni, le reste étant aménagé en square et terrain de jeux pour les enfants. Nous proposions aussi de réfléchir à des aménagements légers susceptibles d’améliorer le fonctionnement du marché. Et, quoi qu’on ait fait croire aux ignorants, tout ceci était financièrement réaliste (10).

 

Notre Association a du retourner devant le Tribunal Administratif, un commissaire enquêteur ayant rendu un avis favorable en dépit d’une très forte mobilisation (son indépendance était sujette à caution), et les « godillots » du Conseil Municipal ayant bien sûr approuvé le projet. Hélas, une réforme avait entre-temps rattaché Joinville à Melun, et non plus à Paris. Le 2 mars 2000, le Tribunal Administratif de Melun nous a donné gain de cause (11), en annulant la totalité du montage financier de la ZAC (plus exactement sa seconde tranche), notamment parce que l’aménageur faisait directement un chèque pour le budget communal, ce qui est heureusement interdit (sinon le béton aurait déferlé plus encore sur nos banlieues). Mais le Tribunal refusait d’annuler le Plan d’Aménagement de la ZAC, ce qui était totalement incohérent. Nos victoires juridiques sont donc restées lettre morte.

 

Nous nous trouvons donc aujourd’hui avec un triangle d’immeubles d’une très forte densité, fiché dans le quartier Palissy encore assez largement pavillonnaire. Aucun espace vert digne de ce nom, et la cour de la maternelle Petit Gibus ne voit pas souvent le soleil ... La situation des riverains de l’avenue Joyeuse est ingérable, et, comme nous l’annoncions, la surdensité a aggravé les problèmes de circulation, notamment au débouché de l’avenue Wilson sur la place de Verdun. Nous regrettons que trop de Joinvillais n’aient pas pris nos avertissements au sérieux (sans doute victimes du préjugé qui voudrait que la droite ou la gauche soient plus crédibles que les « écolos »). Nous espérons que la leçon sera retenue ...

 

(1)    Le dauphin du Maire, Georges Nérin, annonce maintenant 800 emplois induits par son projet d’immeuble de bureaux sur le parking du RER, considéré abusivement comme une extension de la ZAC des « Canadiens ». Inflation des promesses ... Bien sur, aucun expert n’y croit.

(2)    En apparence. Comme aux Canadiens, les défauts n’ont pas tardé à apparaître, l’un des plus fameux étant la transformation des parkings souterrains en piscine lors des crues hivernales. Car la ZAC est presque toute entière en zone inondable !

(3)    Meunier, lié à la B.N.P. non encore mariée avec Paribas.

(4)    5 106 m2 sur les 21 147 m2 de la ZAC.

(5)    On avait même fait sortir le pauvre Marcel Carné de sa maison de retraite ...

(6)    Le jugement reconnaît que le dossier d’enquête accumulait les inexactitudes, qualifiées « d’erreurs, ou plus vraisemblablement de falsifications » ... La Municipalité renonçait alors définitivement à l’extension sur Polangis.

(7)    25 000 m2 de surface de planchers supplémentaires.

(8)    Lumison n’avait aucune compétence dans le secteur des plateaux de tournage, mais montait des spectacles « Son et Lumière » ; ses dirigeants avaient organisé les meetings électoraux de Jacques Chirac en 1988.

(9)    C.C.A. était alors passée dans l’orbite du Crédit Lyonnais dans des conditions très douteuses (prêt de la filiale pourrie IBSA). Passons sur les détails, retenons que notre commune a eu sa part du scandale du Crédit Lyonnais, relayé par celui du Consortium de Réalisation !

(10) Le terrain concerné avait déjà été amorti par la première tranche de la ZAC, et d’ailleurs pour l’essentiel cédé par l’aménageur au Franc symbolique. Il était possible de faire annuler la vente à C.C.A., qui n’avait pas tenu ses engagements d’investissements. Mais la Municipalité ne l’a pas voulu ...

(11) En dépit d’assertions mensongères de la partie adverse, prétendant notamment que l’école primaire de Palissy, qui n’est pas à côté, était financée par la seconde tranche de la ZAC, alors qu’elle avait ouvert bien avant ...

 

 

Plan-masse de référence de la ZAC des « Studios de Joinville ».

La ZAC couvre l’intégralité du triangle Gallieni-Wilson-Joyeuse, à l’exclusion du gymnase Lecuirot (angle Wilson-Joyeuse) et de l’immeuble d’angle Joyeuse-Gallieni.

La seconde tranche de la ZAC, qui a pris la place de la mythique « Cité du Cinéma », est en grisé. Admirons les formules ronflantes (« coulée verte »). Pour l’anecdote, on cherchera en vain bien des arbres mentionnés sur le plan ...

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