Vapeurs sur la ville Pollution.
Qui,
du conducteur ou du piéton, s’empoisonne le moins ?
Auteur : MARIE-JOËLLE GROS Publié par : LIBERATION QUOTIDIEN
Le : mardi 20 mai 2008
Le Grenelle de l’environnement a
survolé la question de la qualité de l’air. Dommage.
Lorsqu’on circule en ville, on a souvent la désagréable impression de respirer
uniquement des gaz d’échappement.
Et en entendant des citadins éternuer, toussoter, se plaindre de maux de tête,
on peut se demander si le rhume des foins suffit à tout expliquer.
L’été arrive et la chaleur va encourager les pics de pollution. A Paris, un
énorme ballon (6 000 m3 d’hélium) installé au-dessus du parc André-Citroën (1)
indique, de nuit, la qualité de l’air ambiant et celle à proximité des grands
axes grâce à un dégradé de cinq couleurs allant du vert au rouge.
Ainsi, aujourd’hui, l’air devrait être «médiocre» dans la capitale.
Peut-on essayer collectivement de l’améliorer, en abandonnant la voiture pour
les transports en communs ou le vélo (même si pédaler derrière un bus reste
une expérience suffocante).
Comme il faut bien se déplacer, voici le hit-parade des différents moyens de
locomotion qui s’offrent aux urbains. Du pire au meilleur.
LA
VOITURE : top toxique.
Les polluants embarqués, ça vous dit quelque chose ?
Le principe est simple: la ventilation de votre voiture est placée à l’avant,
en prise directe avec le pot d’échappement du véhicule qui vous précède dans
le trafic. Et une fois dans l’habitacle, les polluants ont beaucoup de mal à
se diluer. Jean-Paul Morin, toxicologue à l’Inserm (Institut national de la
santé et de la recherche médicale) et expert auprès de l’Agence française de
sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a relevé des mesures
à l’aide d’un véhicule transformé en laboratoire scientifique. Il en ressort,
selon lui, qu’un bébé assis à l’arrière d’une voiture respire un air bien plus
toxique que s’il traversait la ville en poussette. En une heure de voiture,
on s’offre à coup sûr une surdose de dioxyde d’azote (largement supérieure aux
taux acceptables pour la santé, lire encadré). Conséquence : des troubles cardio-respiratoires.
MÉTRO
ET RER : le risque méconnu.
Les quais du métro et du RER sont truffés de particules fines et métalliques,
générées par le freinage des trains.
Le Conseil supérieur d’hygiène de France a récemment confié à l’Inserm une étude
épidémiologique sur les conducteurs des rames. On peut se douter que la situation
est également préoccupante pour les gens qui travaillent dans les petits commerces
installés dans les stations.
Pour l’association Ecologie sans frontières (ESF), les usagers ne sont pas non
plus à la fête aux heures de pointe. Elle dénonce une «double peine environnementale»
: ceux qui renoncent à leur voiture pour éviter de polluer et privilégier les
transports souterrains prennent un risque qu’ils ignorent.
La RATP s’est engagée à en informer le public, via son site Web. Dommage qu’elle
n’ait pas fait le choix de diffuser l’information sur les écrans dans les stations.
VÉLO
: pédaler dans les gaz.
En plein effort, on augmente sa capacité et son rythme respiratoires. Autant
éviter de se lancer dans le sillage des voitures et des bus : pédaler six minutes
au cul d’un bus, c’est dépasser neuf fois le seuil maximum annuel de dioxyde
d’azote, estime Jean-Paul Morin.
Vive les pistes cyclables, qui limitent les dégâts. Les Hollandais et les Danois,
eux, plébiscitent depuis longtemps le vélo comme mode de déplacement, question
de mentalité. En France, on est accro à la voiture (diesel qui plus est), même
quand la vitesse moyenne des déplacements urbains est de 18 km/h, c’est-à-dire
pas plus rapide qu’un vélo. Désespérant : d’après médecins et chercheurs, les
masques filtrants ne servent à rien.
MARCHER
: la meilleure façon.
Rien ne sert de courir… la marche, c’est encore le mieux. Ou le tram, qui pollue
peu.
Les plus fragiles (enfants, gens
âgés, malades…) sont évidemment les premiers à suffoquer. Le nombre croissant
de bronchiolites et de crises d’asthme interpelle les médecins. Sans parler
des problèmes cardiaques et respiratoires qui sont certes plurifactoriels, mais
de fait liés à la pollution.
Pour respirer mieux, faut-il migrer dans un pays du nord de l’Europe ?
Ecologistes et médecins avancent cette piste : arrêter de vouloir tous converger vers la capitale et les grandes agglomérations, et plébisciter le télétravail, par exemple.
(1) Un partenariat entre la société Aérophile, la mairie de Paris et Airparif, soutenus par le groupe Banque populaire.