Le
Monde
Régions, mardi 13 septembre
2005, p. 11
Une solution alternative contre l'un
des plus gros bouchons d'Europe
Le tronc commun entre l'A 4 et l'A
86 traverse Joinville-le-Pont en viaduc en longeant la Marne, face à Nogent-sur-Marne
(Val-de-Marne). Les 280 000 véhicules qui l'empruntent chaque jour sont à l'origine
du plus gros embouteillages de France, voire d'Europe : plus de 10 heures de
bouchons quotidiens, soit une perte équivalent à 10 000 jours de travail. Le
trafic est saturé dès 6 h 30 le matin et il ne redevient normal qu'après 20
h 30, le soir. Les communes riveraines sont envahies par les camions et les
voitures et il faut parfois 20 minutes pour faire les 400 m qui séparent la
place de Verdun du carrefour de la Résistance, à Joinville.
Pour sortir de l'impasse, une nouvelle
solution " provisoire », originale, a été trouvée : depuis le 1er septembre,
la bande d'arrêt d'urgence est utilisée comme voie de délestage. " Aux
heures de pointe, nous recensons 10 500 véhicules à l'heure alors que les quatre
voies ne peuvent en absorber au mieux que 9 500. La voie auxiliaire devrait
permettre de combler la différence », estime Jean-Marie Le Dieu de Ville
de la direction régionale de l'équipement d'Ile-de-France.
La moyenne des gains de temps devrait
être de 6 minutes entre la porte de Bercy, à Paris, et Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis,
(13,4 km sur l'A 4) et de 9 minutes entre Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et
le pont de Nogent (10,3 km sur A 86 et A 4). Soit un gain annuel estimé
à 1,5 million d'heures. La mise en place de ce système a coûté 19 millions d'euros.
Mais cet ensemble autoroutier est hautement stratégique. L'A 86 assure la liaison
entre les aéroports d'Orly et de Roissy, Rungis, Garonor et les villes préfectures
de Créteil et Bobigny. L'A 4 relie Paris à Marne-la-Vallée et Disneyland.
Et certaines entreprises hésitent à
franchir ce rideau de fer qui coupe en deux l'Est parisien. " Des artisans
refusent des contrats en fonction de leur localisation », confirme Christian
Pépineau, président de la chambre de commerce Paris - Val-de-Marne. Un sondage
réalisé en septembre 2001 auprès de 1 099 entreprises, à l'initiative de la
chambre, avait montré que 43 % des usagers de l'A 86 restaient quotidiennement
d'une heure à deux heures dans les embouteillages et que 7 % d'entre eux y passaient
plus de trois heures.
L'environnement et la qualité de la vie sont aussi
très malmenés. Le tronc commun ne disposant d'aucune installation de traitement,
en cas de pluies, les eaux de ruissellement chargées d'hydrocarbures et de métaux
lourds se jettent directement dans la Marne. Or, à 800 mètres en aval, l'usine
de production d'eau potable
de Joinville capte dans la rivière l'eau qu'elle traite. Le maire (UMP) de Joinville-le-Pont,
Pierre Aubry, n'ose pas imaginer les conséquences d'un accident mettant en cause
un camion d'hydrocarbures. " Tout le contenu se déverserait directementdans
la Marne », assure-t-il.
VOEUX DES HABITANTS
Il y a aussi le bruit. Sur certains
secteurs, notamment à Nogent, sur l'autre rive, il atteint 77 décibels sur les
façades des maisons alors que la loi n'en autorise que 60. Enfin, le secteur
constitue, à proximité de Paris, l'un des principaux points noirs en matière
de qualité de l'air. Georges Nérin, adjoint au maire de Joinville et président
du Comité de défense des riverains du tronc commun, fulmine. " Les lois
sur l'eau, le bruit et l'air sont bafouées par l'Etat qui ne respecte pas ses
propres textes », dit-il.
Si l'on additionne les pertes de temps,
la surconsommation de carburant et la pollution, le coût global de ce gigantesque
embouteillage quasi permanent est estimé à 280 millions d'euros par an, selon
la direction départementale de l'équipement (DDE) du Val-de-Marne.
Le tronc commun entre l'A 4 et l'A
86 avait été présenté comme une situation provisoire. Or, selon la DDE du Val-de-Marne,
il est saturé depuis 1987. Pour régler le problème, un super-viaduc de 78 mètres
avait été imaginé. Trois voies auraient été ajoutées de part et d'autre des
huit voies de l'ouvrage actuel. Ce projet aurait nécessité la destruction de
dizaines de pavillons alors que 200 ont déjà été rasés pour la construction
de l'A 4. Les bords de Marne auraient été irrémédiablement endommagés.
Après des années de bras de fer, l'administration
s'est pliée dans les années 1990 aux voeux des habitants et de leurs élus, qui
demandaient la séparation des deux autoroutes avec le passage de l'A 86 en souterrain.
Mais devant le coût, l'Etat et la région ont différé le projet. Son coût est
estimé aujourd'hui à 1 milliard d'euros
Dernier rebondissement en date dans
ce long feuilleton du tronçon A 4-A 86, le premier ministre, Dominique de Villepin,
a déclaré, lors d'une conférence de presse, le 1er septembre, réfléchir à une
solution pour résorber le bouchon.
Dominique Meunier