Paris remunicipalise son eau
De Jean Luc Touly, Président de l'Association
pour un Contrat Mondial de l'Eau (ACME)
Les Echos 08/07/08
En votant hier le budget supplémentaire
dont une partie servira à racheter la totalité des actions de la SEM Eau de
Paris, la Ville a engagé la remunicipalisation du service de l'eau.
Le prix de celle-ci à Paris devra rester stable.
La transformation de la SEM Eau de Paris en un Epic sera proposée à la fin de
l'année au Conseil de Paris.
C'était une des promesses phares du candidat Delanoë. Elle a connu hier une
première avancée au Conseil de Paris.
En votant le budget supplémentaire, l'assemblée municipale a fait un pas indispensable
à la création d'un Epic (établissement public industriel et commercial), envisagé
pour la remunicipalisation du service de l'eau dans la capitale. Elle a, en
effet, donné son aval au rachat pour 6,2 millions d'euros des 30 % d'actions
du capital de la SEM Eau de Paris - aujourd'hui chargée de la production de
l'eau et de son transport vers la capitale - qui n'appartenait pas encore à
la Ville.
En mars 2007, vingt-huit de ces 30 % avaient été rachetés par la Caisse des
Dépôts afin de faire sortir du capital de la SEM les deux sociétés distributrices
d'eau à Paris, la Compagnie des Eaux de Paris (Veolia Eau) et Eau & Force-Parisienne
des Eaux (Suez-Lyonnaise des Eaux).
Cette sortie du capital avait été prévue par un avenant de fin 2003 entre la
ville et ses délégataires, qui obligeait aussi les distributeurs à moderniser
le réseau.
Avec un succès certain : le taux de rendement (la part de l'eau effectivement
distribuée) a bondi de 82,3 % en 2003 à 95,2 % aujourd'hui.
Evaluée à 300 euros en mars 2007, l'action en vaut désormais 413.
Aujourd'hui, le rachat de ces 30 % à la Caisse des Dépôts et à d'autres SEM
est la condition sine qua non qui permettra à l'exécutif de proposer au Conseil
de Paris de novembre ou décembre, selon Anne Le Strat, adjointe (PS) chargée
de l'eau, la transformation de la SEM Eau de Paris en un Epic.
Chargé dans un premier temps de la production, celui-ci devra aussi assurer
la distribution à compter du 1er janvier 2010, au lendemain de la fin des contrats
de Suez et Veolia Eau.
« Avec 3 opérateurs, il y a parfois des chevauchements de responsabilités »,
explique Anne Le Strat pour défendre la remunicipalisation.
« La distribution est aussi la partie qui rapporte le plus d'argent et il n'était
pas viable à long terme qu'elle soit dissociée de la production, qui assume
de lourds investissements », poursuit-elle.
Raison politique enfin, pour un « bien commun » tel que l'eau, « il est essentiel
que la collectivité assure une maîtrise totale de la chaîne et que l'accès à
l'eau ne puisse générer des profits pour des groupes qui vont distribuer des
dividendes », explique l'élue qui s'engage à ce que le prix de l'eau à Paris
reste stable. Délicat passage de relais , l'exécutif a choisi le statut de régie
à autonomie financière et à personnalité morale, qui permettra d'avoir au sein
de l'Epic, avec une même convention collective, à la fois des agents de la Ville
et des salariés relevant du droit privé, qui basculeront des sociétés distributrices
à l'Epic.
Pour le délicat passage de relais entre les sociétés privées et l'Epic, un audit
sur les systèmes d'information a été lancé.
Ses conclusions sont attendues fin juillet.
L'audit social, qui permettra de définir très exactement combien de salariés
sont affectés par les deux délégataires privés et à quelles tâches, sera notifié
dans deux semaines.